Le mouvement « Nation » défile avec une mouvance néonazie

RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite Mardi 13 octobre 2015   Réactualisation : 15 octobre 2015


DECRYPTAGE - Il y a quatre jours, dans une petite ville hollandaise se déroulait une manifestation anti-musulmane. Organisée par un groupuscule néonazi local, la NVU, six belges avaient fait le déplacement pour renforcer ses maigres rangs. Parmi eux, des « nationalistes autonomes » flamands et wallons, ainsi que deux responsables de Nation. Au galop, le naturel idéologique est très vite revenu.


Gouda (Pays-Bas), ce samedi lors du défilé d'extrême droite anti-musulman.

Le mouvement « Nation » affirme être le plus actif des derniers représentants de l'extrême droite belge francophone. La « droite nationale » d'expression française dans notre pays est en totale déconfiture électorale, mais aussi sur le plan organisationnel et militant, depuis l'implosion en 2012 du Front national (FN) et de ses clans concurrents. Fondé en 1999, sous la direction d'Hervé Van Laethem, un des anciens leaders de la mouvance néonazie en Belgique, Nation ambitionne de récupérer l'électorat du FN belge.


Comme chez Marine Le Pen
Pour y parvenir, malgré ses échecs successifs aux élections, le mouvement Nation s'est lancé dans une campagne interne de nettoyage pour se dédiabolisation à l'extérieur. Les oripeaux nazillons du passé (récent) ont été mis à la remise. Les jeunes sympathisants et militants exprimant publiquement leur admiration pour l'hitlérisme ont reçu l'ordre formel et militaire de se contenir. Les tenues « folkloriques » rappelant une certaine période historique sont également proscrites. Le politiquement correct, comme au FN français de Marine Le Pen, règne dans les rangs du mouvement Nation.

Mais les jaillissements de l'idéologie véritable de ce groupuscule, où le tourn over des militants est permanent, s'expriment régulièrement. Souvent de manière codée, pour éviter la stigmatisation. Les informations permettant d'observer ce phénomène sont parcellaires. Des données sont occultées. C'est le cas d'un mini compte-rendu d'une participation de Nation, samedi dernier, à un défilé d'extrême droite aux Pays-Bas contre l'islamisation.

De retour de celui-ci, son secrétaire général, Eddy De Smedt, a posté le commentaire suivant sur son mur Facebook (retranscrit tel quel ici) :

« 
NATION EST PARTOUT !
Des membres de NATION et des membres des Autonome Nationalisten ont défilé à Gouda (Hollande), avec les Autonome 
Nationalisten Hollandais ... L'UNION NATIONALISTE EUROPÉENNE S'INTENSIFIE ! »


Les « petits secrets » de l'extrême droite

Comme vous pouvez le constater, la communication de ce membre de la direction de Nation, un activiste « national-solidariste » de courte date (jusqu'en 2011, il faisait encore partie d'un des clans issus du FN « canal historique »), est des plus sommaires. Eddy De Smedt dévoile cette « info » sans aucune autre précision. Notamment sur le « défilé » dont il est question, ses organisateurs et l'identité idéologique exacte de ces « autonome nationalisten ».

Le journal
RésistanceS, spécialiste dans les révélations sur les « petits secrets » de l'extrême droite, va corriger (une fois encore) l'information diffusée par cet Eddy De Smedt. Un individu connu désormais pour ses incompétences dans le domaine de la communication politique, comme cela pu être constaté après l'arrestation de cinq militants et d'un dirigeant de son mouvement, en juin dernier, après le passage à tabac d'un SDF polonais devant le Parlement européen à Bruxelles 
(voir notre article : Qui sont les agresseurs de Nation, selon ses propres dirigeants ?).


> L'affiche du défilé.
Nation dans un défilé néonazi ?

Ce défilé s'est déroulé samedi dernier, le 10 octobre, dans les rues de la ville hollandaise de Gouda (
71.111 habitants), à quelques kilomètres de Rotterdam. Selon une vidéo diffusée par ses organisateurs sur Internet, il a rassemblé moins de cent personnes, malgré une mobilisation qui s'est étalée durant plusieurs semaines et dans un climat politique très favorable aux thèses d'extrême droite. Son initiateur est la Nederlandse volks-unie (NVU), un microscopique parti néonazi qui tente d'endosser des allures acceptables (voir ci-dessous sa notice dans notre Who's Who, après cet article).

Eddy De Smedt écrit que « 
des membres de NATION » (sic) y furent présents. Cela pourrait supposer que le mouvement belge y avait dépêché une forte délégation. En réalité, il n'était représenté que par deux membres de Nation : Eddy De Smedt en personne et Stéphane Hemmeryckx. Ce dernier est un activiste pur et dur de Nation. Il fait partie du même courant interne que les militants impliqués dans la ratonnade du SDF polonais, dont le procès se déroule depuis le mois de septembre dernier (voir ici). Il figurait sur la liste des candidats de Nation pour les élections régionales bruxelloises de 2014.



Les autres Belges défilant avec la NVU à Gouda étaient : Christian Berteryan et Lieven Vanleuven (sur Facebook : Jeanke Smets) du « côté flamand », Axel N., Kevin H. et Adeline B. du « côté wallon ». Les premiers sont les principaux activistes des Autonome Nationalisten Vlaanderen (ANV), un groupuscule néonazi flamand qui collabore, depuis plusieurs années, avec le mouvement Nation. Les seconds, trois jeunes nouveaux militants des environs de Liège qui y représentaient les Nationalistes autonomes de Wallonie (NAW). Sur ces ANV et NAW : voir leur notice respective dans notre Who's Who, ci-dessous.


« 
Pas de ''Sieg'' à NATION », vraiment ?

La participation avouée de Nation à ce « défilé » est très intéressante : elle confirme ses liens maintenus avec la m
ouvance néonazie belge et étrangère, comme le journal d'investigation
RésistanceS l'avait déjà prouvé à plusieurs reprises . L'énergie dépensée par ce mouvement – d'obédience « national-solidariste » - pour nier (la négation est une spécialité d'extrême droite) ses relations politiques « folkloriques » ne sert au final à rien, puisque la vigilance et le travail journalistique de RésistanceS restent des plus efficaces.

En juin 2014, Eddy De Smedt avait écrit, toujours sur Facebook, ceci :

« Pas de ''Sieg'' à NATION, nous sommes des solidaristes et des identitaires, pas des NS ... » (« NS » pour : « Nationaux-socialistes », soit des nazis).

Pourtant, samedi dernier, le même De Smedt défilait, côte à côte, avec des adeptes de l'Ordre nouveau. Dans cette galaxie, avec flamme tricolore ou croix celtique, le naturel idéologique revient toujours au galop.


ANNE-LAURE DE RYCK
RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite
 

> De gauche à droite (debout) : Jeanke Smets, Christian Berteryan (ANV), Stéphane Hemmeryckx , Eddy De Smedt (NATION), Axel N., Adeline B. et Kevin H. (NAW).


WHO'S WHO

Ce samedi 10 octobre 2015, deux « cadres » du mouvement Nation défilaient donc dans les rues de Gouda, aux Pays-Bas, lors d'une manifestation anti-musulmane, qui rassembla moins de cent participants, proposée par la Nederlandse volks-unie (NVU). Egalement présents : les Autonome Nationalisten Vlaanderen (ANV) et les Nationalistes autonomes de Wallonie (NAW). Qui sont ces groupuscules néonazis ?


Nederlandse volks-unie (NVU)
Malgré son nom et un logo grandiloquents, cette « Union du peuple néerlandais » est un groupuscule. Il voit le jour en 1971. « Défenseur de la race blanche, de l'union des Pays-Bas et des Flandres, de la communauté culturelle avec les Boers en Afrique du sud et de l'apartheid, elle fit preuve d'un racisme violent. Le nazisme était bien vu dans ce parti qui a formé plusieurs cadres actuel de l'extrême droite », écrit au sujet de la NVU, dans son rapport annuel 1997, le Centre européen de recherche et d'action sur le racisme et l'antisémitisme (1). Complètement marginalisée sur la scène politique batave, la Nederlandse volks-unie multiplie les opérations visant sa survie. A ses manifestations, malgré un climat favorable à l'extrême droite dans son ensemble, seule une centaine de personnes se mobilise. Depuis plusieurs mois, la NVU a renforcé ses liens avec ses partenaires belges. En janvier de cette année, Constant Kusters, son président, participait à un débat sur l'Ukraine, avec comme autres orateurs : Rob Verreycken, ex-Vlaams Belang et depuis juin dernier, leader des Vlaanderen Identair (VLI), un nouveau groupe radical, et Kris Roman, « cadre » du mouvement Nation. Ce débat était organisé en Flandre par les Autonome Nationalisten Vlaanderen.


Autonome Nationalisten Vlaanderen (ANV)
Ils ont été créés, en 1996, dans le nord de Bruxelles sur le modèle d'organisations néonazies allemandes et hollandaises pour agir en semi-clandestinité. Son fondateur est à l'époque un très jeune militant néonazi flamand, Christian Berteryan (né en 1980 à Bruxelles). Il provient des jeunesses du Vlaams Blok (VB), le nom à l'époque de l'actuel Vlaams Belang. Son partenaire francophone est le groupe « NS » (National-Socialiste) L'Assaut, conduit par le futur dirigeant-fondateur du mouvement Nation. Pour se faire connaitre, ces « nationalistes autonomes » collent des affiches à Vilvoorde, son bastion, avec des slogans ne cachant aucunement leur appartenance idéologique : « Vilvoorde waar nazi's thuis zijn ! » (A Vilvoorde, les nazis sont chez eux ! »). Les ANV sont liés à une mouvance hollandaise néonazie préconisant la lutte armée (2). Après une période à l'ombre, Christian Berteryan a réactivé son groupe en 2013.

Outre avec le mouvement Nation, il est encore en contact avec la Racial Volunteer Force (RVF), une organisation NS basée en Grande-Bretagne qui préconise le terrorisme contre les « 
ennemis de la Race blanche » (3).


Nationalistes autonomes de Wallonie (NAW)
Directement liés aux ANV, depuis l'annonce de leur création en juillet 2015, ils sont extrêmement peu actifs. Leur présence à Gouda, au défilé de la NVU, samedi dernier, est leur première sortie sur le terrain. Ils ne devraient rassembler qu'environ trois à cinq militants de la région liégeoise, caractérisés par leur jeune âge et leurs liens avec le mouvement Nation.

Avec les Autonome nationalisten Vlaanderen, les Nationalistes autonomes de Wallonie s'intègrent dans un « réseau européen de résistance » (sic), implanté aux Pays-Bas et dont sont membres quelques groupuscules néonazis hollandais et polonais.


SIMON HARYS (avec ALDR)
RésistanceS Observatoire belge de l'extrême droite
 

Notes :
(1) « Les extrémismes en Europe », rapport 1997 du Centre européen de recherche et d'action sur le racisme et l'antisémitisme (CERA), Paris, publié par les éditions de l'Aube et Luc Pire, Bruxelles, 1997, p. 269
(2) Idem. p. 106
(3)
« Meeting néonazi organisé en Flandre par des dissidents de Blood and Honour ? », Simon Harys, article du journal RésistanceS du 20 février 2014.


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