RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite | Mardi 9 février 2016
SECOND
COMPTE-RENDU DU PROCES DU FRONT NATIONAL –
Ce 9 février, les derniers frontistes de chez
nous ont défendu, bec et ongles, leur avenir politique devant la
justice de la Cité ardente. Leur survie est en jeu. Un des
correspondants liégeois de RésistanceS, Peter Danton, y était -
RÉCIT
ATMOSPHÉRIQUE
D'AUDIENCE
Ce
mardi matin, sous sa vieille pluie grise, le Perron de Liège a
assisté à un bien étrange spectacle. De là où il trône depuis
sept cent ans, ce symbole de liberté et de démocratie avait en
effet une vue directe sur la septième chambre de la cour d’Appel
de Liège et sur les chamailleries un peu glauques qui s’y
déroulaient.
Devant
une cour à trois juges, l’hydre à deux têtes du Front national
se battait entre elle-même, la gueule belge cherchant à clouer le
bec à la française, légendairement toujours plus grande, sur
l’épineuse question du droit de s’appeler en Belgique « Front
national » et mettre sur son pare-chocs des autocollants avec
un drapeau qui ressemble à une flamme, ou l’inverse. Avec en
bonus, le droit de se présenter aux élections sous cette
appellation à succès en temps de crise.
Le
FNUF n'est pas un petit cochon
A
gauche, avec ses cinq supporters, dont l’ancien député régional
wallon Jean-Pierre Borbouse, le Front
national belge, à ses débuts aussi « Nationaal Front »,
jetait au feu les manigances et les accords pris par ses vieux démons
que furent Daniel Féret, son président-fondateur, et Charles Pire,
un transfuge de l'ex-Parti social chrétien qui tenta de détrôner
le premier en 2007, invoquant par la voix de l'avocat Mouffe, et la
plume de Maître Hordies, la pureté des principes, la constitution,
la loi électorale, la convention Benelux sur la propriété
intellectuelle, la convention européenne des droits de l’Homme
(si, si, promis !) et bien sûr… l’équité.
Pour
colorer son récit, le FN belge a ressorti les vieux dossiers.
Commençant par rappeler que le FN français s’appelait
officiellement le « FNUF » (à ne pas confondre avec le
nom du quatrième petit cochon qui avait balancé ses potes au grand
méchant loup, ces initiales signifient : « Front national pour
l’unité française »), jusqu’en 1988, soit trois ans après
que Daniel Féret n’ait déposé les statuts de fondation du FN
pour la Belgique, sous la forme d'une asbl. Ensuite, la cour eut à
entendre comment le même Féret avait, dans un but despotique,
déposé les marques et logos de son Front en son nom propre et non
pas pour le bénéfice du parti. Pour finir, par des manigances avec
le Front national français, les droits des pauvres membres du FN
belge avaient encore été bafoués sous la forme d’un contrat de
cession des droits. Aujourd’hui, les derniers frontistes de notre
plat pays dénoncent cet accord qui fut entériné par la cour
d’Appel de Liège, en 2011, en disant à cette même cour :
« Votre Cour a été abusée et trompée lorsqu’elle a
avalisé la convention à la demande de la France » (sic).
Dans
la séquence émotions et souvenirs, pour bien mettre en lumière les
aspects humains et historiques, la cour eut droit à la lecture des
cartes de vœux envoyées par le FN français à son pendant belge.
Ces cartes pleines d’enthousiasme et de « camaraderie »
évoquaient des combats et des succès communs, des défis à relever
ensemble et des victoires assurées main dans la main. Bref, des
déclarations d’amour qui se sont prolongées jusqu’en 2009,
avant que ne commence la guerre des marques... et que « la
France » arrête d’envoyer des cartes postales.
Une
balle tirée dans le pied
Ce
mardi, le Front national belge arrivait au bout d’un long combat
judiciaire contre ce qu’il appelle « Le bulldozer
politique français qui vient dire aux belges ''arrêtez de nous
emmerder !'' » (sic). Ce « bulldozer » se
trouvait effectivement à la droite du ring. Un poids lourd de la
compétition, habitué des procès et des coups en tout genre
(médiatiques, politiques, mauvais, bas,…), le FN « made in
France » était représenté, devant la cour d'Appel, par
Maître Ghislain Dubois.
Celui-ci
ne s’est pas privé d’entamer son heure de plaidoirie en
soulignant que le FN belge (dont il fut jadis membre, soit dit en
passant) a commencé sa vie politique comme la branche belge du FN
français. Pour Dubois, aujourd’hui encore, une de ses missions,
tel que décrit dans ses statuts, est d’amener les ressortissants
français de Belgique au FN de Marine Le Pen.
Ensuite, l'avocat du parti de cette
dernière n’a pas manqué de rappeler la mauvaise fois de son
homologue belge. En expliquant sa version des faits et en retraçant
l’histoire des deux partis. L'avocat Ghislain Dubois a conclu en
disant : « Face à tant de mauvaise foi rien que dans
la simple histoire du Front national belge, [la plaidoirie] pourrait
s’arrêter ici et [la] Cour serait convaincue ».
Aux
phrases extraites du dossier et citées par le FN belge pour
illustrer les manigances de son ex-parti-frère, l'avocat liégeois
de ce dernier a rétorqué : « donnez-moi une phrase de
quelqu’un et je peux le faire fusiller ou le pendre ».
Pour
tout autre justiciable, l’argument eut pu faire mouche, mais là,
cela ressemblait à une balle tirée dans le pied. Outre ce léger
« couac » , le Front national français a maintenu
brillamment ses positions juridiques, martelant sans faiblir les
arguments qui avaient déjà convaincu d’autres juges auparavant.
Dans les entrailles de l’hydre
Aujourd’hui,
pour les représenter, les deux parties ont fait appel à de bons
avocats qui ont fait honneur à leur profession. Ils ont invoqué de
bons arguments des deux côtés et ont mené un débat intéressant,
eut-ce été pour la qualité de leurs clients. Bien entendu,
certains points ne pouvaient que sonner faux, notamment les
invocations des droits de l’Homme ou de l’équité, mais ils n’en
étaient pas moins juste quant aux principes juridiques.
En
fin de compte, il nous faut quand même nous réjouir,
collectivement, de deux choses importantes.
La
première, c’est qu’il y a en Belgique un monde judiciaire qui
fait de son mieux pour respecter l’Etat de droit et appliquer à
tous la même justice, peu importe l’odeur qu’ils amènent dans
les salles d’audience.
La
deuxième chose importante qu’il faut retenir de cette affaire
c’est que, quand des groupes comme les deux FN gaspillent leur
énergie et leur ressource dans des batailles intestines et
judiciaires, notre droit constitutionnel à une justice publique qui
nous permet de voir dans les entrailles de l’hydre. Ca n’y sent
pas bon, mais on y apprend beaucoup.
PETER
DANTON
Correspondant liégeois de
Correspondant liégeois de
RésistanceS | Observatoire belge de l'extrême droite
PLUS
D'INFOS SUR CETTE SAGA JUDICIAIRE
A LIRE ENCORE SUR LE BLOG DE RESISTANCES
Le
Front national belge joue sa survie devant la cour d'Appel de
Liège
Le premier compte-rendu d'audience de RésistanceS du procès le 9 février 2015 devant la cour d'Appel
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L'avocat belge de Marine Le Pen passe au Parlement européen pour reconstruire un nouveau FN en Belgique ?
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